L’Épine, quartier comestible

Site : Quartier de l’Épine, Hellemmes

Date : depuis

Commanditaire : Ville d’Hellemmes

Action :  projet de développement local à partir de la mutation participative des espaces publics du quartier en espaces comestibles

Partenaires: Centre d’insertion des Bois Blancs, services d’espaces verts et CCAS de la ville d’Hellemmes, association Ma’na’é, Metalu à Chahuter

En 2016, la ville d’Hellemmes fait appel aux Saprophytes pour réfléchir à l’intégration des formes d’agriculture urbaine dans le quartier l’Épine,  ancienne cité de cheminot·te·s construite dans les années 70 sur le modèle des cités- jardin.
Véritable écrin vert, remarquable à l’échelle de la ville de Lille, sa situation un peu particulière, entre boulevard et voies ferrées, en fait un lieu peu connu et fréquenté des personnes qui n’y vivent pas. Ce quartier d’habitat majoritairement social souffre d’un déficit d’image qui est fortement ressenti par ses habitant·e·s, pourtant conscient·e·s de vivre dans un quartier agréable mais qui manque de vie, d’activité.
Ce projet prend place dans le contrat de ville, à un moment où les actions de la ville, du bailleur, des associations dans le quartier sont repensées de manière globale. Une véritable opportunité pour monter un projet de territoire cohérent, touchant les différents aspects de la vie du quartier : l’économie, les transports, les loisirs, la santé, l’école, l’environnement, l’entraide, la sociabilité, …

UN QUARTIER COMESTIBLE, C’EST QUOI ? LA VISION DU PROJET

Un quartier comestible est un territoire où collectivement, les citoyen·ne·s, associations, services espaces verts de la ville s’associent pour cultiver des plantes comestibles sur les espaces publics mais aussi privés : plantes potagères, arbres et arbustes fruitiers, vignes, houblonnière … occupent ainsi l’espace autrefois occupé par des plantes ornementales, et participent à nourrir le quartier. Les habitant·e·s du quartier, mais aussi de la ville, viennent se balader sous les cerisiers en fleur ou picorer des framboises, se régaler à la fête des récoltes, développent des projets de cuisine, les volontaires acquièrent des savoir-faire ancestraux sur le compostage, le travail de la terre, la taille et la greffe des arbres, les enfants de l’école cultivent aussi leur parcelle avec les parents, les retraité·e·s font de la confiture pour le goûter de l’école, les composteur collectifs produisent du substrat pour les jardins, les abeilles sur les toits des immeubles pollinisent les plantes en plus de fournir du miel, une personne monte une micro-entreprise de production de jus de pomme…
Le projet de Quartier Comestible c’est une vision d’avenir de l’Epine. Elle s’appuie sur les atouts exceptionnels du paysage du quartier pour mettre en œuvre, avec les habitants et voisins, un projet gourmand et inclusif entre le pôle bouche de Fives Cail et les dernières terres agricoles urbaines de l’Est lillois.

 

LA DÉMARCHE

L’Epine Quartier Comestible est un projet actif et collectif de transformation des espaces du quartier. A travers le jardinage, le compostage, la plantation, l’entretien des arbres, et les récoltes à venir, il s’agit de créer des dynamiques locales avec les habitant·e·s, les associations et acteur·ice·s du quartier, de partager des savoir-faire, de se rencontrer et faire germer des projets ensemble. Ce projet est un support ouvert pour tous·te·s, il se construit dans le temps et se réajuste sans cesse.

EN 2016, UNE ÉTUDE PRÉALABLE

En 2016, nous commençons par l’élaboration d’un diagnostic des spécificités, des atouts et freins du territoire dans l’optique d’un projet intégré. Il nous a semblé essentiel de commencer ce diagnostic par une analyse paysagère tant cette dimension est importante dans l’identité du quartier.
Nous sommes ensuite allées à la rencontre des acteur·ice·s et habitant·e·s du quartier, et de personnes extérieures ayant des expériences à partager sur le sujet. Avec ell·eux, nous avons partagé un temps de «créativité collective» qui a constitué la base de 2 scenarii de projets puis d’un scénario approfondi : la transformation progressive de l’Epine en cité-jardin comestible.
Pour en savoir plus sur le diagnostic et les préconisations, n’hésite pas à lire cet article !

EN 2018, LANCEMENT DU PROJET !

En 2018, il est temps de lancer le projet. Nous nous associons à l’association Ma’na’é qui est chargée d’animer le quartier au quotidien, afin de permettre un lien solide avec les épinois·es. Cyrielle réalise du porte à porte pour faire connaitre le projet et lance plusieurs ateliers autour du jardin, du composteur, en essayant de mobiliser un large public autour du projet. Au fil des ateliers, nous parvenons à créer les premiers composteurs de l’Épine, qui seront animés par l’association afin de former les épinois·es intéressé·e·s à l’activité du compostage. Les premiers vergers sont également plantés en chantier participatif .
Durant cette première année, dans un soucis de mixité sociale, générationnelle et culturelle, nous développons une grande force de mobilisation avec différents média : fêtes, chantiers, ateliers…

Inauguration festive avec la Brigade des Tubes

UN PREMIER CHANTIER FESTIF EN OCTOBRE !

Pendant quatre jours, l’Épine s’active autour des pieds d’immeubles ! On y construit des bacs accueillant des plantes aromatiques, et on construit une signalétique attractive pour ces nouveaux bacs. L’enjeu de ce chantier est de mettre en valeur et de réorganiser les entrées des immeubles, d’être présent·e·s sur place, de rencontrer les habitant·e·s des immeubles. Cela permet en outre de d’empêcher les stationnements sauvages qui gênent les habitant·e·s des immeubles. Nous finissons la semaine par une dégustation de confitures réalisées avec les tomates vertes cultivées dans le potager collectif, le tout autour d’un temps festif et gourmand, animé par la Brigade des tubes !

EN DÉCEMBRE, PLANTATION D’UN PREMIER VERGER

Ce même hiver, nous plantons les premiers micro-vergers de l’Épine. A l’aide des voisin·e·s, des enfants du groupe Nature et de quelques bénévoles, nous plantons les 27 premiers arbres fruitiers, pruniers, pommiers et poiriers au coeur du quartier, à proximité directe du jardin partagé. Les enfants de la maternelle du quartier réaliseront par la suite des étiquettes pour les nouveaux arbres, avec l’association l’Ecole et son quartier.

2019, ON FAIT CONNAITRE L’ÉPINE !

Au printemps, de nouveaux jardins de poche sont construits et plantés sur un espace identifié par un groupe de voisin·e·s volontaires.
Depuis avril 2019, une personne de l’association Manaé est présente chaque semaine pour animer le jardin de poche mis en place au printemps et ceux mis en place en 2018 au pied des immeubles. Elle assure également le suivi du compostage. En été, nous répondons au besoin en eau pour arrosage avec la mise en place d’une citerne de récupération des eaux pluviales.
Dans l’objectif de rendre le quartier visible et de le faire connaitre, nous saisissons l’occasion des journées du patrimoine pour proposer une visite contée du patrimoine arboré du quartier avec la comédienne Solène Boyron.

Plus tard dans la saison, nous proposons  aux habitant·e·s de Fives-Hellemmes de parrainer  50 nouveaux arbres fruitiers plantés en automne (ainsi que d’une centaine d’arbustes). Nous clôturons ce grand chantier par un temps festif musical avec l’intervention de Laure Chailloux (Métalu à Chahuter)
Ces temps permettent de faire connaitre le quartier à de nouvelles personnes.

2020, LE PROJET À L’ÉPREUVE DE LA CRISE SANITAIRE

L’année 2020 est évidemment bouleversée par le confinement et les différentes contraintes sanitaires. Toutefois, nous célébrons la nouvelle coopération avec le CIBB, organisme de réinsertion en charge du lien social avec les habitant·e·s du quartier. Deux personnes sont présentes dans le quartier 3 après-midi par semaine pour animer le jardin collectif et des temps d’atelier-médiation autour du quartier comestible, du compostage…

La rentrée 2020 est marquée par l’ouverture du nouveau groupe scolaire du quartier. Nous accompagnons cet événement par l’aménagement transitoire du parvis de l’école, nouvelle centralité du quartier. Lors d’une semaine de chantier participatif, nous construisons un grand banc, un panneau d’affichage, un hôtel à insectes, créé des massifs de plantations , réalisé une fresque au sol.

En novembre 2020, une session de plantations est organisée avec la déplantation de haies de troenes remplacées par des arbustes à petits fruits, la plantation de nouveaux arbres et surtout d’une cinquantaine d’arbustes à petits fruits et plantes aromatiques et vivaces comestibles en haie ou en ilot au pied des arbres. Cette session permet également de réaménager l’un des espaces public de jeu du quartier.

2021, CONSTITUTION D’UN PETIT GROUPE DE FEMMES MOTIVÉES

Comme prévu, nous continuons la mutation du paysage arboré du quartier avec en 2021 la déplantation des plusieurs haies. Cela permet d’ouvrir et de requalifier des placettes du quartier et de remplacer une partie par des arbustes à petits fruits.
Les arbustes ont donné des belles récoltes en été et nous avons constaté que les habitant·e·s vont se servir !
Un groupe de femmes est mobilisé depuis 2020 autour du jardin partagé et d’ateliers «sans enfants» les jeudis après-midi. Nous avions noté leurs connaissances sur les plantes et leurs bienfaits et applications médicinales, nous avons donc mis en place avec le CIBB une série d’ateliers avec des herboristes diplômé·e·s. Nous imaginons ce domaine comme pouvant être porteur de micro-projets économiques, valorisant les femmes du quartier.
L’aménagement temporaire du parvis vit bien, le mobilier résiste et en 2021, nous démarrons l’appropriation des espaces de plantation avec des arbres à petits fruits et deux massifs de fèves et petit pois qui donnent une abondante récolte qui alimentera un repas collectif en juillet.

L’été est marqué par La Grande Traversée, déambulation festive participative co-organisée avec Métalu à Chahuter, qui va parcourir le quartier à la découverte de ses trésors végétaux, un autre temps qui permet de valoriser le quartier auprès des Hellemmois et Lillois.

Nous renforçons le partenariat avec les services techniques de la ville d’Hellemmes en organisant des journées broyage des déchets verts (partant du constat des nombreuses tailles de haies qui étaient abandonnées sur les espaces publics du quartier) et à travers la mise en place d’une gestion différenciée des espaces verts du quartier !

Nous terminons l’année avec un chantier de plantations  en lanières alternant arbres, arbustes et vivaces, des tests d’agroforesterie urbaine.

EXPÉRIMENTER DES PROTOTYPES DE SYSTÈMES AGROFORESTIERS URBAINS

Ce projet pose le postulat original que les systèmes agroforestiers peuvent être adaptés à la ville et apporter des solutions vivrières pertinentes en milieu urbain, sur des espaces publics.
Il s’agit de définir quelles peuvent être les modalités d’extrapolation de l’agroforesterie pour la ville, quelles seraient les modalités pour adapter l’agroforesterie à des espaces contraints, de petite taille, aux vocations multiples ? Quelles formes pourraient prendre l’agroforesterie urbaine et quels seraient ses potentiels ? Sur quels types associations végétales pourraient elles fonctionner ?

LES ASSOCIATIONS ENTRE ARBRES FRUITIERS ET VIVACES COMESTIBLES ET MÉDICINALES.

Nous faisons ici l’hypothèse que ces cultures offrent un potentiel important de productions à forte valeur ajoutée tout en étant adaptées au milieu urbain (peu de ravageurs, simplicité de gestion, qualités esthétiques…)
Ce volet de production sur surfaces de petite échelle a pour objectif de tester des productions agroforestières multi-étagées en testant des associations à partir des différentes strates végétales disponibles (arbres-arbustes-vivaces-annuelles-tubercules-bulbes), tout en mettant une focale particulière sur les cultures de vivaces et de médicinales.

LES HAIES AGROFORESTIÈRES BASÉES SUR DES ASSOCIATIONS ARBRES-ARBUSTES ADAPTÉES AUX ESPACES PUBLICS.

Nous faisons l’hypothèse que des systèmes de haies agroforestières peuvent être élaborés pour la ville, avec l’opportunité de constituer des systèmes de plantations linéaires occupant particulièrement peu de place, et des potentialités importantes pour la production vivrière ou la production de biomasse…

TESTER ET ÉVALUER DES NOUVEAUX MODES DE GESTION SIMPLIFIÉS ET ÉCONOMES DES ESPACES VERTS

Nous décelons l’enjeu important de la baisse des coûts d’entretien (tontes) en faisant muter les surfaces engazonnées nombreuses du quartier en sols plantés productifs.

  • Choix des plantes résilientes, autonomes, robustes, majoritairement vivaces
  • Mise en place d’associations végétales pouvant supporter une gestion minimale et les contraintes des espaces publics (passages, pratiques sociales etc…)
    Les coûts de gestion globaux peuvent il être inférieurs pour un système agro-forestier, que pour une pelouse ? Si on intègre les gains apportés en termes de production et les dépenses évitées (tontes, tailles de haies, ramassage de feuilles), l’agroforesterie urbaine peut-elle être convaincante économiquement pour les gestionnaires des espaces publics ?

ET LE PROJET CONTINUE…