2021
Pascaline Boyron a été accréditée en mai 2021 par l’Université Populaire de Permaculture pour son travail de recherche-action, pendant 7 ans, sur la thématique de la Permaculture Urbaine, et plus spécifiquement autour du projet les Unités de Production Fivoises.
Inscrites dans une dynamique collective forte (grâce au collectif Les Saprophytes) et dans un contexte urbain dense, ses recherches défendent, toujours dans l’action concrète, la résilience des territoires urbains.
Tout commence par le champignon, en s’inspirant de son fonctionnement en réseau. Puis ça prend forme, ça se construit autour d’un jardin, comme un prétexte à se réunir et à former une communauté agissante, au cœur d’un quartier populaire et dense.
Ici, nous rêvons collectivement d’une ville dédensifiée, apaisée, qui côtoie des formes d’agroforesterie urbaine, des fermes pédagogiques, multifonctionnelles, des voisins engagés permettant de s’organiser en petites communautés de quartier, des arbres fruitiers toujours plus nombreux, des sols restaurés…
La permaculture urbaine, où l’urgente mission de penser et construire dès aujourd’hui une nouvelle manière de faire et de vivre en ville.
Pour Pascaline la ville est une source inépuisable de rêves et de possibles… si nous accueillons le vivant, si nous nous organisons en petit réseau, à une échelle humaine, si nous créons et multiplions des îlots d’abondance, si nous rêvons et créons ensemble et sans cesse pour inspirer le voisin…
Ce travail de recherche continue, amorcé après un premier Cours Certifié de Permaculture en 2013, a été nourrit de plusieurs formations, avec Antoine Talin, puis Bernard Alonso, et bien sûr d’une expérience transformatrice concrète.
Antoine Talin a été le tuteur de ce parcours.
L’Université Populaire de Permaculture, et Permaculture Internationale sont partenaires.
La présentation publique s’est déroulée le 2 mai 2021, à l’Îlot des Combes, et retransmis sur le Campus des Alvéoles!
“A Lille, la vitrine de notre local donne sur une rue simple d’un quartier nommé Fives. Près de 20 000 habitants, ancien quartier industriel populaire, dense, pauvre en espace vert , un quartier de la ville de Lille qui semble « en attente d’attention ».
Pas loin de notre local, un espace vert de près de 3000m² sert de parvis à plusieurs équipements (des algécos plus précisément) dédiés à la petite enfance . Des pelouses dissimulant un sol pauvre et compacté. Ce terrain appartient à la ville de Lille. Une mise à disposition pour l’association se concrétise au bout de quelques mois de discussions et d’écriture de projet.
C’est ici que nous projetons de mettre en œuvre, d’accompagner, et de faire vivre un jardin productif et pédagogique, un jardin pour expérimenter la production d’aliments en ville, un jardin pour apprendre et transmettre . Mais aussi et surtout, un prétexte pour rêver et construire ensemble un projet pour une ville résiliente.”
Tout l’article visible sur le Blog des ALvéoles!
2017
“Collectif d’architectes, de paysagistes et de constructeurs, créé à Roubaix en 2007, Les Saprophytes tirent leur nom et leur philosophie de cet organisme qui recycle la matière et participe activement au maintien de l’équilibre biologique dans la nature.
Depuis 10 ans, le collectif questionne, détourne et déconstruit les usages de la ville contemporaine. Il développe des projets mêlant réfléxions et expérimentations dans l’espace public pour partager la construction du territoire avec les citoyens. La structure se veut hybride entre agence d’architecture et de paysage, plateforme de création, atelier de construction ou encore structure d’éducation populaire.
A l’occasion de cet anniversaire, les Saprophytes ont invité l’auteure Amandine Dhée à les suivre dans leur quotidien, à partager une somme d’expériences et de questionnements. De cette rencontre est né un livre, mêlant littérature, témoignages et dessins.
Edité chez La Contre-Allée/ 15 €
Les Saprophytes ont été invité à raconter un récit de projet dans le numéro 32 des Carnets duy Paysage “Le Chantier”. C’est le projet des Beaux-Monts d’Hénin qui sera le fil du récit, à travers les plumes de Véronique Skorupinski, Claire Bonnet et Violaine Mussault.
2016
Recherche et projet – productions spécifiques et apports croisés
ENSAPL – novembre 2016
“Les Unités de Production Fivoises: un processus entre recherche et projet”
Véronique Skorupinski, Violaine Mussault
Le projet intitulé “Les Unités de Production Fivoises” est une démarche d’agriculture urbaine portée par notre collectif d’architectes et de paysagistes, Les Saprophytes, et qui vise à la mise en place d’un réseau d’habitants-producteurs de denrées alimentaires investissant des délaissés urbains du quartier de Fives (Lille, depuis 2014).Considérant la notion de projet dans sa dimension globale et holistique, ce projet-processus décide d’investir un quartier sur le long terme et de tendre à le transformer par l’action collective en croisant actions de terrain, vision de société, démarche itérative et approche systémique du territoire.
Ce projet s’appuie sur:
– la mise en place d’un jardin-ressource en agriculture urbaine,
– la valorisation d’un réseau de fermiers urbains basé sur la transmission et la complémentarité entre les différents acteurs.
– la valorisation d’espaces à investir: interstices urbains de différentes échelles, privés ou publics
– le partage avec les habitants d’une vision globale interrogeant l’urbanisme, l’aménagement du quartier.
Envisager ce projet comme un processus permet d’assumer une part de recherche tout au long de la démarche. Nous proposons de caractériser cette forme de “projet-processus”, d’analyser les relations qu’elle entretient avec la recherche, et d’envisager la manière dont elle fait évoluer la pratique du projet d’architecture et de paysage (autant dans la conception, la construction, que dans son évaluation).
Le processus comme approche systémique
Nous appelons projet-processus une démarche de projet qui questionne le territoire et sa transformation en dépassant les considérations spatiales, pour l’envisager de manière systémique: Si l’enjeu est bien une réflexion sur les espaces et leur aménagement, elle est mise en perspective et englobe des enjeux sociétaux.
Le projet-processus a pour objectif d’assurer une cohérence entre les valeurs productive, relationnelle et culturelle des espaces. Cette cohérence est assurée par une approche collaborative et inclusive, croisant les attentes des différents acteurs du territoire (habitants, usagers, voisins, gestionnaires, techniciens, élus…)
Le processus comme prise de position / hypothèse
Le processus des Unités de Productions Fivoises est issu d’une prise de position pouvant être rapprochée d’une hypothèse. En effet, il s’agissait pour nous, en 2014, d’une forme pionnière de projet, car issue d’une intuition et développée en dehors de toute commande.
Il s’appuie sur la formulation d’une hypothèse de départ qui est confrontée au terrain, mise à l’épreuve des usagers et habitants, pour être «vérifiée », puis amendé. L’hypothèse est que l’agriculture urbaine serait une réponse pour changer la forme d’un quartier et toucher ses habitants car elle permet d’aborder différentes questions de société : l’autonomie alimentaire, l’économie, le lien et le développement social, la citoyenneté, l’écologie, les mutations urbaines. Ce qui est visé est la réappropriation de délaissés urbains en systèmes productifs pour développer une micro-économie basée sur l’échange, et permettant la mise en valeur d’un réseau à l’échelle d’un quartier. Forts d’expériences réalisées localement (à Roubaix notamment), et d’un voyage d’étude mené en 2012 à Montréal et Detroit, nous avons initié et développé un projet d’agriculture urbaine pour le quartier de Fives, où nous sommes installés (ancien quartier industriel de Lille, aujourd’hui en mutation). Ce projet se veut en lien étroit avec les structures locales, les institutions et surtout les habitants du quartier.
Lors de la formulation de cette hypothèse, en 2014, nous insistons sur l’importance de se donner le temps de tester et de prendre le risque de faire des erreurs, sans nous donner de fin prédéfinie. Le concepteur aura ici un rôle d’initiateur du projet, en proposant des usages, des intentions, les habitants et usagers y répondront et prendront ensuite son relais. Cette temporalité longue induit une part d’incertitude liée à la réceptivité du territoire, impossible à maîtriser et anticiper totalement.
Posture de concepteur
Le projet-processus implique un changement de posture : le concepteur n’est plus un expert qui met en place des scénarii d’aménagement validés par les décideurs (et maîtrisés dans leur forme et temporalités) mais il doit composer avec le quartier, ses acteurs, et ses habitants. Il se met dans une posture d’ouverture, d’initiation, d’auto-évaluation et de réceptivité aux effets de sa démarche.
Nous comparons cette démarche à celle d’un d’artisan-chercheur dont la spécificité est d’intervenir dans l’espace public en cultivant une forme nouvelle de conception par l’action.
Les phases classiques du projet sont éclatées, pour mêler de manière fusionnelle la conception (avec l’écriture d’un document-cadre), la réalisation (la mise en oeuvre, le chantier) et l’évaluation (la formulation d’un regard critique et analytique.) Enfin, en tant que concepteurs, nous participons également au projet (au même titre que les autres acteurs prenant part au projet, lorsque nous jardinons ou célébrons une récolte, par exemple.) Cette posture complexe et multiple traduit les questionnements personnels des membres des Saprophytes sur la place et les compétences du concepteur architecte et paysagiste.
Une hypothèse, des expériences
Le processus se déroule en une série “d’expériences collectives situées”, prenant place sur des espaces publics sous formes d’actions concrètes impliquant des habitants, et permettant de tester les idées, suggestions, hypothèses…
Dans le cadre d’une démarche de processus, le projet est articulé, enrichi, amendé par l’action, ce qui permet de poser des repères, des jalons et de construire progressivement le récit de territoire.
Ce sont l’action concrète, le mouvement, qui permettent de dépasser les tensions et obstacles qui peuvent se poser en cours du projet et de supporter la durée, la longueur du processus
Nos actions permettent de traiter en même temps la dimension matérielle (aménagement de l’espace) et immatérielle d’un quartier. Il s’agit de travailler à la fois sur l’espace et le temps qui construisent le site. En effet, le projet mêle la conception d’espace à un programme de rendez-vous envisagés comme des mises en situation : des chantiers participatifs de construction ou de jardinage, des temps forts autour d’un repas partagés sur l’espace public, des fêtes au jardin-ressource, des ateliers de transmission de savoir-faire…. Ces expériences permettent de réaliser des aménagements concrets, mais aussi de fédérer un groupe d’habitants lors de moments de partage. Le retour sur ces expériences à petites échelles permettent d’alimenter des réflexions plus larges et conceptuelles sur le projet.
Ce faisant, les outils classiques du concepteurs d’espace (paysagiste ou architectes) sont dépassés, réinventés pour appréhender le territoire dans sa dimension sensible plus que fonctionnelle. Il ne s’agit pas que l’espace “marche” mais qu’il vive.
Ce qui est visé et attendu est une expérience sociale basée sur la qualité de la relation créée, en résonance avec le postulat d’ “Esthétique Relationnelle” formulé par Nicolas Bourriaud.
Démarche empirique où l’action prévaut
Le projet est articulé, enrichi, amendé par des réalisations concrètes, qui permettent de poser des jalons. Ces réalisations peuvent être considérées comme des prototypes dans une démarche expérimentale, en ce qu’elles entendent servir à tester des hypothèses mais aussi à faire émerger des idées, des dynamiques, à inviter les acteurs locaux (habitants, élus, techniciens).
Le potager en buttes ou la champignonnière sont des exemples de prototypes mis en place dans le cadre du projet Les Unités de Production Fivoises. Le potager est mis en culture en même temps qu’un travail de recherche sur la pollution des sols est lancé (partenariat avec le Labo LCGE de Lille1), sans attendre les résultats pour commencer à le cultiver… De même, la culture de champignons sur marc de café relève de cette posture de recherche incluse dans le projet, les pleurotes sont cultivées avant que les principes d’échanges de production entre fermiers urbains soient mis en place.
Adaptabilité du processus
Cadre initial
Le projet-processus est construit avant tout sur des valeurs fondatrices : proximité, nature, humanisme, pluralité, relation, créativité, indépendance, co-portage du projet avec des habitants partenaires… Ces principes constituent une éthique qui agit comme moteur et référentiel pour le projet. Cette éthique insuffle aux objectifs du projet une dimension sociétale et utopiste.
Le processus se déroule en suivant comme fil directeur des objectifs généraux qui ont été définis à la genèse du projet, dans un “document-cadre” écrit. Ces objectifs principaux ne constituent pas un cahier des charges définitif mais agissent plus comme un socle, une référence commune, ouvrant des portes sur des possibles.
Pour exemple, les objectifs définis initialement pour Les Unités de Productions fivoises sont les suivants : créer un réseau de lieux et d’habitants producteurs, transmettre les pratiques, essaimer la démarche et mettre en débat l’agriculture urbaine, développer une micro-économie locale, donner une place à l’appropriation citoyenne dans le projet urbain d’aménagement du quartier.
Ces objectifs sont façonnés et précisés au cours du processus, qui cherche à inventer les moyens de les poursuivre. Cette liberté d’évolution permet de ne pas rester prisonnier des enjeux et objectifs définis au démarrage du projet mais d’observer ce qui se passe, ce qui se joue dans les interstices et d’y réagir.
La démarche s’adapte selon deux principes : sérendipité et incrémentalisme.
sérendipité
Le processus est ré-adapté tout au long du projet de manière spontanée et intuitive selon un principe assumé de sérendipité, comprise ici comme “l’art de trouver ce qu’on n’a pas cherché, tout en étant prédisposé à l’accueillir.” Le processus est adapté à toute nouvelle opportunité, circonstance, ou appétence de l’équipe du projet (Les Saprophytes et habitants).
Plus que par opportunité foncière ou spatiale, le projet fonctionne par opportunité de rencontre : C’est une échelle relationnelle qui guide le projet comme, par exemple, lorsque nous encourageons une habitante à tester dans son jardin une unité de compostage ouverte aux voisins.
incrémentalisme
Le projet-processus est à considérer comme un exercice permanent de va et vient entre actions et analyse. C’est une démarche au déroulement non linéaire, préférant procéder “petit à petit” plutôt que de suivre une programmation décidée dès le départ. L’évolution du processus se fait par petits changements, parfois subtils, qui se succèdent, et se croisent dans le temps mais toujours issus d’une ré interrogation du projet. Nous nous rapprochons de cette citation de l’architecte Lucien Kroll :
“L’incrémentalisme c’est refuser que la fin soit définie dès le début. C’est décider de chaque étape quand on l’aborde et en regardant en arrière. C’est ne pas figer trop tôt les étapes suivantes et surtout la totalité de l’opération. C’est décider par la participation continue de toutes les informations et de tous les informateurs qui surgissent en cours d’opération.” Lucien Kroll
L’inattendu, l’imprévu, l’aléatoire font intrinsèquement parti du processus.
Concrètement dans le cadre des Unités de Production Fivoises, incrémentalisme et sérendipité se traduisent par la mise en place régulière de temps d’échange et d’évaluation du projet.
Les premières actions mise en oeuvre se concentrent depuis 2015 principalement autour de la mise en place d’un jardin-ressource en agriculture urbaine, d’un cycle annuel d’ateliers de transmission de savoir-faire, d’une champignonnière expérimentale fonctionnant grâce à un système de collecte locale du marc de café urbain. Une démarche de soutien au compostage est également amorcée.
Chaque action réalisée fonctionne comme une expérience. Une ou plusieurs fois par an, ces actions sont analysées afin d’évaluer leur efficacité et celle du processus vis à vis des objectifs poursuivis. Ce suivi réactif et inventif est propre à l’incrémentalisme. Les déductions réalisées se traduisent par la planification des actions suivantes. : Il s’agit d’évaluer le processus passé pour définir la méthode pour sa poursuite (démarche inductive.)
L’évaluation est réalisée lors de temps de travail pouvant prendre différentes formes (retours oraux et informels en petits groupes, réunions d’équipes restreintes ou brainstorming collectifs incluant les participants = forum ouvert)
C’est un principe d’optimisme méthodologique qui nous amène à fusionner l’évaluation des actions passées à la conception des actions futures.
Ainsi, quand nous nous confrontons à un problème, à un échec, plutôt que considérer le constat comme une “butée”, qui mettrait le projet en impasse, il s’agit plutôt d’inverser le raisonnement pour le positiver et en tirer une question prospective afin de dépasser les freins.
Pour prendre un exemple actuel : En 2016, nous questionnons les difficultés à impliquer les habitants dans la vie et la gestion du jardin-ressource. Mais, nous mettons simultanément cette difficulté en regard du succès de certains ateliers “pratiques” (qui proposent l’échange et l’apprentissage de savoir-faire). Ainsi, nous sommes amenés à formuler une hypothèse nouvelle : celle d’un jardin-école recherché avant tout pour l’acquisition de nouveaux savoir-faire (plutôt qu’un jardin-partagé où l’on viendrait cultiver pour soi).
Cette intuition est ensuite vérifiée en réunion avec les intéressés. Le statut et la raison d’être du jardin ressource vont être adaptés.
Ainsi, en évaluant de manière croisée la réussite et l’échec liés à deux actions différentes, nous ne traitons pas chaque question de manière isolée mais de manière systémique.
projet “laboratoire”
En conclusion, il nous semble que le projet-processus “Les Unités de Production Fivoises” peut être considéré comme un projet “laboratoire”, à valeur d’exemple. Les méthodes et approches qui y sont testées à échelle réduite, ont vocation à être montées en généralité et s’appliquer à d’autres démarches, à d’autres sites. Le projet porte en lui intrinsèquement cet objectif d’essaimage.
Ce projet peut aussi être considéré comme “laboratoire” car il invite à une évolution des modes d’intervention sur la ville et le territoire. Se réclamant d’un urbanisme concret, il privilégie l’expérimentation, les essais à échelle micro, et renonce à un dessin issu d’une conceptualisation en amont. Notre projet se vit et se construit par “expériences” et c’est pourquoi nous le considérons comme une “recherche”. En généralisant, il sous tend une nouvelle forme de projet urbain, un urbanisme concret fondé sur le rapport direct au terrain, le test “échelle 1”. La conception se frotte au site et le projet se développe in situ.
Notre démarche de recherche revendique un ancrage fort, une confrontation directe, sensible et entière avec le terrain, compris ici comme une “matière urbaine” (avec toutes ses composantes physiques, humaines, dynamiques…).
C’est le terrain qui oriente un processus d’aménagement qui fera petit à petit “dessin”, partant du site et de l’expérience pour monter en concept, et non l’inverse.
Nous proposons donc d’envisager une évolution des méthodes du projet urbain, basant celui-ci non plus sur l’élaboration de scenarii théoriques qui seront ensuite testés, mais sur la valeur de l’expérience et de l’action. Ici, l’expérience prévaut sur le concept et le dessin, elle nous invite à accepter incertitudes, erreurs, et réévaluations, nécessaires à un processus sur le long terme.
En donnant une place à l’expérience, le projet urbain retrouve une échelle d’intervention locale, micro, et une temporalité de projet en phase avec l’évolution du territoire et la vie des ses usagers.
Ce projet-processus propose ainsi de nouvelles manière de “faire projet” et d’envisager de nouvelles possibilités offertes aux métiers de paysagiste et d’architecte.
Aujourd’hui, se pose pour nous la question de la réceptivité, de la prise en relais par d’autres acteurs (institutionnel, acteurs locaux, citoyens, concepteurs architectes ou paysagistes…).
Cette démarche portée de manière indépendante et autonome par notre collectif n’aura légitimement le statut de “recherche” que si elle est partagée, débattue et diffusée. Si nous poursuivons effectivement cet objectif d’inspirer des changements de pratique, comment accorder à ce projet auto-porté la valeur d’une “recherche” contribuant à nourrir un questionnement sur de nouvelles pratiques de nos métiers, pour que cette démarche trouve un écho dans l’écriture des projets et dans la commande ?
Bibliographie
-“Utopies réalisables” – Yona Friedman – édition L’éclat/Poche – septembre 2015
– “Esthétique relationnelle”, Nicolas Bourriaud, Les presses du réel, 1998
-“Alterachitectures Manifesto” – Collectif sous la direction de Thierry Paquot, Yvette Masson Zanussi, Marco Stathopoulos – Infolio, Eterotopia – Novembre 2012
-“Tout est paysage” – Lucien Kroll – Sens et Tonka éditeurs – 2012
– “Construire autrement” – Patrick Bouchain – Acte Sud – 2006
2014-2015
4 projets d’urbanisme à base de champignon ou pourquoi un collectif d’architectes et de paysagistes cultive-t-il des champignons ?
« Où avez-vous attrapé ces mycoses ? Désolé Docteur, un vrai amateur ne révèle pas ses coins à champignons » Philippe Geluck
« Saprophytes à l’ALMA », Roubaix, avril 2007, première expérience de mise en culture d’un espace urbain délaissé avec des champignons. Le délai qui nous est accordé est très court, nous ne disposons que de 15 jours pour investir et réaliser une production dans la cour des 3F, logements sociaux en cours de « résidentialisation » dans le quartier de l’Alma à Roubaix. Nous choisissons de mettre en place une champignonnière éphémère, en raison de la simplicité de mise en œuvre de ce projet de culture hors sol et surtout de la rapidité de la production, au bout de 15 jours nous pourrons cueillir des pleurotes. L’espace de la cour, dont l’usage avait été condamné par le bailleur, est nettoyé et investi avec un groupe de jeunes du Centre Social de l’Alma. Nous y construisons une serre, pour accueillir les sacs inoculés de champignons. Cette petite construction très fragile restera en place pendant près d’un mois avant d’être déplacée dans les jardins ouvriers du quartier. Cette longévité inespérée pour un tel objet installé dans l’espace public, est rendue possible grâce à la vigilance des jeunes du quartier ayant participé au chantier de construction de la serre. Investis dans le projet, ils ont veillé sur l’installation tout au long de sa présence dans la cour. La production exceptionnelle de pleurotes obtenue a été partagée lors d’un repas de quartier organisé dans la cour avec tous les voisins. Les objectifs fixés pour cette champignonnière éphémère sont atteints, elle a permis de : – questionner les réponses apportées en terme d’aménagement aux problèmes de gestion des espaces communs d’une résidence de logements sociaux – redonner un sens et une valeur à un espace urbain délaissé en révélant son potentiel productif
« L’unité de production fongique – une ferme agri-culturelle à la Condition Publique », Roubaix, septembre 2010, transformation éphémère d’un lieu culturel en espace de production « agricole ». Pendant un mois, la Condition Publique accueille une champignonnière qui produira 1 tonne de champignons. Cette installation met en place un espace productif qui est aussi et surtout un espace catalyseur de rencontres. Rencontre entre production culturelle et production agricole, spectacles et œuvres d’art trouvent leur place dans les tunnels de la champignonnière en se glissant parmi les pleurotes et champignons de Paris. Mais aussi rencontre avec le quartier du Pile, la champignonnière est ouverte aux habitants et voisins. Chacun peut venir y faire sa récolte de pleurotes, en échange nous lui demandons de participer à la constitution d’un « grand registre » recensant les savoir-faire des habitants du quartier. Le principe de troc ainsi initié, invite à imaginer un système d’échange local non marchand et à questionner la place de l’activité économique dans cet ancien quartier ouvrier. A travers une expérience poétique et artistique, l’unité de production fongique de la Condition Publique a permis de : – tisser des liens « quotidiens » entre la Condition Publique et les habitants voisins. – révéler le potentiel « nourricier » d’un ancien espace industriel aujourd’hui transformé en espace culturel, en questionnant l’autonomie alimentaire d’un quartier en milieu urbain – proposer une mixité des usages et fonctions pour répondre aux problèmes sociaux et économiques d’un quartier.
« L’Unité de diffusion fongique », au Domaine de Chamarande (Essonne), de mai à septembre 2014. Invités par le Domaine de Chamarande dans le cadre de sa programmation artistique à investir, le temps d’une saison, le parc et la Glacière, nous proposons de mettre en place une installation vivante et évolutive à base de champignon. Les pleurotes nous intéressent ici pour leur caractère fantastique, leur dimension poétique, leur aspect «magico-scientifique ». Dans cette installation, nous utilisons le champignon comme un « attracteur étrange » permettant de capter l’attention du visiteur et de l’inviter à questionner son rapport au territoire par le biais de son alimentation. Nous installons dans la Glacière un laboratoire de diffusion fongique mettant en scène la fructification. Cet espace est aussi le point de départ d’un réseau de champignons comestibles à partir duquel nous entreprenons d’inoculer le pleurote à toute la forêt du domaine de Chamarande. Si nous sommes à l’initiative de ce réseau, celui-ci est amené à se développer de lui-même à son rythme et à se propager librement sur l’ensemble du territoire. Le dispositif proposé invite le visiteur à parcourir le parc, en changeant de posture et de regard sur cet espace. Partir à la cueillette des pleurotes, permet d’être attentif à ce qui se trouve sous ses pieds, d’explorer le domaine dans ses moindres recoins, de chercher ce qui y pousse. Cette champignonnière veut : – réveiller l’instinct de chasseur-cueilleur du visiteur – questionner le rapport entre terre, aliments et homme.
« La champignonnière des unités de productions fivoises », dans l’atelier des Saprophytes à Lille. Projet sur le long terme, en cours depuis le printemps 2014. L’installation d’une champignonnière dans la cave de notre local, a été le premier maillon dans un réseau de production agricole que nous cherchons à disséminer dans le quartier de fives. Tous les vendredi, le petit laboratoire de notre champignonnière nous permet d’inoculer le pleurote au marc de café collecté dans le quartier auprès des commerçants, associations ou particuliers. Une partie du substrat inoculé et conditionné dans des sacs, est vendu sous forme de kit. Ces kits permettent à tous les participants d’installer chez eux une « mini champignonnière privée» et de devenir, le temps d’une récolte, des « producteurs urbain s». Champignonnière, potagers, ruches, poulaillers et composts sont autant d’unités de production. Installées sur les interstices urbains, elles participent à la construction d’un projet global de territoire, visant à faire émerger une production alimentaire collective et locale. Dans cette approche systémique du territoire, croisant les problématiques d’aménagement, de développement économique, de lien social, de politique, la champignonnière joue différents rôles. C’est un moyen de : – valoriser un déchet, pour en faire le substrat de base d’une production alimentaire – provoquer la curiosité et l’intérêt pour la question de la production alimentaire en ville – continuer à étendre le réseau d’habitant producteurs participant au projet (donneur de marc de café ou accueillant un kit de production de pleurotes) – partager et transmettre un savoir-faire, en développant un procédé de culture de pleurote reproductible et accessible par tous.
Ces 4 expériences « fongiques » traduisent notre vision de la ville et du projet urbain. Le champignon, « élément » fantastique, vecteur d’imaginaire et d’utopie est pour nous un moyen poétique de questionner la manière dont nous fabriquons, occupons et utilisons les espaces urbains. Au delà du champignon c’est bien le potentiel productif de la ville que nous souhaitons révéler. En ré-introduire des espaces de production en ville, nous cherchons à redonner un sens aux espaces publics, à réinventant les interactions entre l’homme et les espaces qu’il habite, à développer une conception de la ville systémique qui prend en compte la dimension vivante et évolutive des territoires, à retrouver en ville de véritables espaces publics, des lieux d’échanges, où se fabrique un nouveau modèle de société.
Le design c’est donner une dimension politique à une production.
Les Saprophytes, architectes, designers, paysagistes, urbanistes, explorent depuis sept ans les différents modes de création et de production du cadre de vie. Ils s’interrogent sur notre capacité à changer la société à travers des projets urbains collectifs. En quoi leur projet s’inscrit-il dans une démarche de design?
Le design répond à des besoins, il ne doit pas en créer. Au delà de servir à imaginer des objets, des images, des concepts, le design interroge les dynamiques de la société civile à travers la création de pratiques et d’attitudes.
Il répond à un besoin exprimé, ressenti. Le designer est là pour transformer ce besoin en rêve, en utopie réalisable.
La Fabrique d’Architecture Bricolée (ou FAB), projet porté par Les Saprophytes, est une démarche ancrée sur un territoire qui ambitionne une prise de pouvoir de la société civile sur son cadre de vie. Dans le quartier du Pile à Roubaix, la Fabrique d’Architecture ouvre un espace de construction public et partagé. Elle propose de fabriquer des meubles pour chez soi en mettant à disposition des habitants des matériaux, des outils, des savoir-faire, des conseils et des références.
Se rencontrer, découvrir des outils, des méthodes, des gens, des savoir-faire pour répondre à un besoin, en le réalisant ensemble… S’asseoir, s’éclairer, ranger, partager, cultiver, ce sont autant de besoins auxquels propose de répondre la FAB.
Dans cette démarche de projet, les Saprophytes se positionnent comme des initiateurs, et facilitateurs d’une participation des habitants à la vie de la société, mettant à leur disposition des outils pour agir, penser, fabriquer, concevoir, faire du design…
Le design doit être un processus de création et de production. Par une démarche d’éducation populaire de transmission d’outils et de savoir-faire, favorisant le faire soi-meme, le faire-ensemble, le “low-tech”, les Saprophytes interrogent plus particulièrement les modes de productions. Ceci nous amène à la dimension fondamentalement politique de la production : au delà des objets, c’est bien une vision globale de société que nous proposons à travers une manière de faire et de concevoir la construction de notre environnement. Dans une démarche systémique, le design cherche l’équilibre entre l’Homme, son environnement, et des dynamiques socio-culturelles.
En militant pour une pratique micro-locale, nous pensons que c’est à l’épicentre de la crise que notre travail est le plus utile. En proposant aux habitants les moyens d’une résilience, les moyens d’une prise de pouvoir collective sur leur cadre de vie, les moyens d’une résistance à la dégradation de leur environnement, la démarche inclusive mise en place, le design devient un processus, une méthode pour arriver à un objet utile. Et il a le pouvoir de proposer de nouveaux paradigmes.
L’espace public est par essence un espace “politique” dont l’aménagement reflète notre société. Le cultiver permet d’intégrer le citoyen au cœur des mutations spatiales et sociales.
Cultiver en ville, est d’abord une démarche individuelle, un moyen pour le jardinier de retrouver un lien avec la terre et son alimentation. Parckfarm utilise ce mode d’appropriation des espaces publics, pour permettre aux habitants de participer à la construction de leur ville. Pour les concepteurs, l’agriculture urbaine permet donner du sens aux espaces publics, en réinventant les interactions entre jardinage, agriculture et urbanisme. Parckfarm crée les conditions d’une collaboration intelligente entre habitants, entreprises, et designers. Il démontre qu’un projet participatif peut défendre une qualité esthétique et architecturale, qu’une dynamique impulsée par des concepteurs peut trouver un écho dans la société civile et s’appuyer sur un engagement durable des habitants.
La réussite et la reproduction de ce travail de co-création s’appuie sur: une collaboration ouverte et inclusive, redéfinissant les rôles des différents acteurs un processus de conception sur le long terme, intégrant une part d’inconnu. un investissement humain, ressource principale du projet.
L’engagement de chacun des partenaires à faire un pas de côté, à transformer ses habitudes de travail, pour partager la conception. Le citoyen joue un rôle actif pour proposer, activer et de gérer les espaces. Le concepteur accompagne sur le terrain la collaboration entre les partenaires. Techniciens et élus acceptent un déroulement du projet plus empirique en modérant leur maîtrise de la réalisation. La réussite de ce processus, basé sur une confiance et une reconnaissance réciproque des savoir-faire des différents acteurs, suppose un contexte politique apaisé.
Conception et construction des espaces publics, sont envisagés dans une démarche évolutive et permanente. L’événement Parckfarm fait partie intégrante du processus de conception. Il participe à la structuration sociale de l’espace, à son investissement humain et affectif. Il offre les conditions d’une revendication citoyenne en laissant des espaces et du temps disponibles pour tester de façon concrète et collective l’intégration d’une pratique “agricole” dans un parc. Paradoxalement, le caractère éphémère de l’événement contribue à inscrire le processus dans la durée. L’ événement est un moyen d’échapper au caractère normatif qui préside à la construction, mais aussi une façon de continuer à rêver collectivement une ville plus vivante, coopérative et productive.
L’investissement humain prend une place prépondérante dans le projet, en terme d’ingénierie et d’implication bénévole. Inclure les habitants rend la réalisation plus difficile à anticiper, entre autre parce qu’elle repose sur un investissement citoyen qui n’est jamais acquis. Il dépend souvent de personnes-moteur, capables de co-porter le projet par engagement militant. Cela suppose d’impliquer la société civile le plus tôt possible et de l’assurer du soutien et de la reconnaissance de ses savoir-faire par les institutions. Tout au long du processus concepteurs et bénévoles doivent collaborer étroitement et partager la vision du projet, pour construire une appropriation citoyenne durable.
Organisation : Openfiel, n°3, revue ouverte sur le paysage
Date : janvier 2014
Espace Politique
Par Claire Bonnet et Violaine Mussault du collectif les Saprophytes
Comment construit-on un territoire et comment la manière de le construire influence-t-elle son appropriation, l’intensité de sa vie, les liens humains qui s’y créent et la place que chacun peut y trouver ?
Sur notre métier…
En tant que concepteurs, urbanistes, paysagistes, architectes, nous avons la responsabilité de concevoir des espaces de vie, de rencontres, d’échanges. Notre métier nous permet de façonner le paysage de la société dans laquelle nous vivons. Aujourd’hui, l’impérative participation des habitants à la fabrique de leur ville est actée, écrite dans des textes de lois. Mais quelle en est la réalité? Parallèlement, émerge peu à peu une critique de l’exercice traditionnel de la profession d’architecte en tant qu’expertise corporatiste, diffusée du haut vers le bas et déconnectée des pratiques et des besoins des populations. Depuis plusieurs années, en France et en Europe, des groupes d’architectes, paysagistes, graphistes… développent des actions, micro-interventions urbaines pour tenter de développer de nouveaux outils de construction et de réflexion sur la ville, plus inclusifs, démocratiques, économes, stratégiques, plus ancrés dans les réalités quotidiennes. A travers l’action directe, sur l’espace public, ces concepteurs viennent à la rencontre des usagers, habitants, mais aussi des élus et techniciens, et créent le débat. Ce qui anime ce besoin aujourd’hui dans les villes, c’est de créer du collectif, retrouver une dimension collective, vivante et partagée dans la création de la Ville. Retrouver un sens au mot “espace public”, un sens politique. Jeunes professionnels, nous sommes quelques-uns à nous poser la question de savoir comment aujourd’hui nous pouvons davantage nous mettre au service de nos concitoyens, comment, avec nos propres outils, nous pouvons contribuer à une construction collective de la Ville. Se pose la question de savoir comment nous, architectes ou paysagistes nous pouvons ainsi renouveler notre pratique tout en revendiquant notre appartenance à notre métier. Nous souhaitons nous positionner comme des initiateurs, et facilitateurs d’une participation des habitants à la vie de la société, mettant à leur disposition des outils pour agir, penser, ou fabriquer… Il s’agit en ce sens de concevoir notre travail et notre démarche comme une action d’éducation populaire au sens qu’elle cherche à mettre à disposition des citoyens des outils et des ressources pour avoir prise sur le monde qui les entoure, la ville, nos lieux de vie… Concevoir notre travail comme capable de générer un processus d’émancipation, capable de proposer des conditions d’émergence physique à des désirs collectifs. C’est également réfuter un rôle d’expert professionnel pour au contraire défendre une expertise “habitante” partagée, sur la question des usages et des pratiques de la Ville. Cette expertise d’usage est capable de faire émerger une intelligence ancrée dans la vie micro-locale et de constituer une nouvelle forme de gouvernance des projets urbains. Cette posture implique de considérer que notre travail est sans doute plus particulièrement nécessaire là où les territoires sont en déshérence, en décroissance, là où les problèmes sociaux et économiques sont les plus forts et que les politiques traditionnelles d’aménagement ne peuvent suffir, là où la Ville est souffrante. En militant pour une pratique micro-locale, nous pensons alors que cet “architecte” doit agir à l’épicentre de la crise, en proposant les moyens d’une résilience aux habitants, c’est à dire les moyens d’une prise de pouvoir collective sur leur cadre de vie, les moyens d’une résistance à la dégradation de leur environnement.
Faire stratégie de partage de l’expertise et de capacitation citoyenne
Il s’agit de construire une dimension citoyenne et humaniste de la construction de la ville, pas comme un substitut aux politiques publiques, mais davantage comme un niveau supplémentaire mais nécessaire de ces politiques. C’est à la fois parvenir à une analyse partagée d’un territoire pour en saisir les subtilités, en faire émerger les spécificités et potentiels, et donner à chacun conscience de sa capacité à devenir penseur et acteur de son environnement. Oui mais comment partager avec le plus grand nombre, donner la parole à ceux qui ne la prennent pas forcément ? et comment devient-on acteur? valorisation individuelle et collective Par l’action concrète, il s’agit de faire prendre conscience à chacun de sa capacité individuelle à avoir une influence sur sa vi[ll]e, à la fois par l’acquisition de savoir-faire et par la mise en valeur des spécificités de chacun : dans un chantier collectif, la multitude des tâches à accomplir donne la possibilité de valoriser les individus, hors du schéma habituel valorisant d’abord l’intellect. Dans le faire ensemble, l’échange de savoir faire, la transmission, se créent la rencontre, la mise en réseau des initiatives locales pour devenir forces d’action et de proposition à l’échelle locale. Au sein du groupe, chaque individu peut-être valorisé dans son aptitude à construire, à amener sa contribution à une action collective et par là prendre conscience d’une implication possible dans un projet plus vaste que son espace privé. Ce processus d’action et de pensée concrète sort du temps politique long et du champ des spécialistes pour ouvrir des possibles partant des potentialités locales. vers une vision politique de la ville C’est à travers le FAIRE que nous expérimentons les outils de cette “capacitation citoyenne”. Autour d’actions concrètes touchant directement à la vie d’un quartier – échanges de savoir-faire, transformation temporaire ou perenne d’un espace repéré comme problématique, mise en valeur d’un élément d’architecture, de paysage… – il s’agit de rendre accessible l’analyse de territoire avec des outils nouveaux. C’est dans l’action, symbolique ou exemplaire que chacun va peu à peu saisir les différentes dimensions des projets de ville, les enjeux des aménagements, les problématiques que rencontrent les élus, les techniciens. Entre les perceptions quotidiennes d’habitants, les enjeux politiques, les contraintes techniques, l’architecte est le vecteur de transversalité, capable de transmettre les clefs de ces différentes dimensions. Autour d’une action, la prise de parole devient plus naturelle, moins codée ou réservée à certains, à travers la construction progressive d’une analyse, elle prend une valeur et de la profondeur, sort des idées préconçues. Intégrée dans un groupe, elle se détache de l’intérêt individuel pour aller vers le bien commun. A travers ces processus actifs se dessine une manière de mener des projets construits à partir d’une échelle citoyenne. Mais cela nécessite une réelle formation des habitants pour accéder à une vision politique, collective de leur vie, de leur quartier. Ceci nous rappelle à la dimension fondamentalement politique de l’aménagement : on ne construit pas seulement des espaces, mais bien un projet global de société. ____________________________________________________________________________________________
Bibliographie Capacitation citoyenne, Pour faire société on est capables de tout, Couleur livres 2013 Collectif, Handmade urbanism, Jovis 2013 Patrick Bouchain, Construire autrement, Acte Sud 2006 Yona Friedman, Utopies réalisables, ré-édition L’éclat 2000