Mémorial des déportés et fusillés du Nord-pas-de-Calais

site : Musée de La Coupole, centre d’histoire et de Mémoire à Helfaut (62)

date : décembre 2009 – mai 2010, réhabilitation avril 2016

commanditaire : Conseil Général du Pas-­de­-Calais (Direction de La Culture, Service Patrimoine, Musées, Mémoire)

action : Création du Mémorial des Déportés et Fusillés du Nord ­ Pas-­de­-Calais au sein de La Coupole

Partenaires : Aymeric Boissay (artiste plasticien), Alexandre Alvarez (ikanografik, vidéo), Musée de La Coupole, So Jones création ­bois, Solène Boyron, comédienne.

Notre proposition s’est découpée en plusieurs actions :
Scénographie et aménagement d’un espace mémorial de 30m2 situé au sein du musée de La Coupole
Mise en place d’un dispositif de collecte « d’écritures manuscrites » intégrées dans la vidéo.
Création d’une vidéo, mettant en scène la projection des 7 806 noms des Déportés et Fusillés de la Région
Mise en scène des 800 photographies des victimes sur les murs du Mémorial (mur de photos complété en 2016 avec l’ajout de 250 portraits retrouvés par les famille des victimes et l’historien­ chercheur du Musée).

7 806 personnes, originaires de la région Nord-Pas­-de-­Calais, ont été fusillées, abattues, sont mortes sous la torture ou déportées entre juin 1940 et septembre 1944. Le Mémorial des Déportés et Fusillés a été créé pour rendre hommage aux victimes de la Deuxième Guerre Mondiale, il questionne notre rapport à la mémoire et rappelle la place de l’individu dans l’Histoire.

Au­-delà du caractère marquant des chiffres, effaçant les individualités dans le dénombrement des victimes, nous avons tenté de rendre sensible pour le visiteur l’unicité de chaque personne disparue, son caractère propre.

Le parti pris scénographique propose d’opérer un glissement de la grande Histoire à la petite histoire, de transmettre une mémoire collective à travers la mise en lumière d’individualités.

« La petite mémoire, […] est une mémoire affective, un savoir quotidien, le contraire de la grande mémoire préservée dans les livres. Cette petite mémoire, qui forme pour moi notre singularité, est extrêmement fragile et elle disparaît avec la mort. Cette perte d’identité, cette égalisation dans l’oubli sont très difficiles à accepter». Christian Boltanski, le Voyage au Pérou. Catalogue du Musée d’art moderne de la ville de Paris, 1998.

Faisant écho à ce texte de Christian Boltanski, notre travail questionne la Mémoire, sa fragilité, sa transmission… le rapport entre souvenir des individualités et Mémoire collective.

Production

La salle du Mémorial place le visiteur dans une atmosphère feutrée et sombre, propice au recueillement, à l’émotion.
Dès l’entrée le visiteur se trouve face à un mur de portraits. Chacune des 800 photos est accrochée sur un support individuel. Les cadres d’épaisseurs inégales jouent avec le relief au mur et rappellent un accrochage de photos de famille. La mise en scène provoque une proximité entre le visiteur et les visages photographiés, une relation intime, familière.

L’accrochage sur le mur est volontairement irrégulier. On passe d’une forte densité de portraits remplissant la quasi totalité de la surface à un émiettement, laissant apparaître des vides, évocation des portraits manquant mais aussi du caractère éphémère et partiel de notre mémoire.

Dans le prolongement du mur de photos, le visiteur découvre la projection des 7806 noms des victimes. La vidéo fait apparaître les noms de façon discontinue, créant des jeux de densité et d’accumulation, cassant les listes en leur conférant une dimension vivante et dynamique.

La vidéo intègre des gestes d’écritures, chaque prénom a été écrit à la main par un contemporain.

Des ateliers d’écriture avec différents publics (dans les écoles et université de la Métropole Lilloise) ont permis de collecter des « écritures manuscrites » variées et inégales. Contrastant avec la typographie informatique des listes de noms, les écritures manuscrites reflètent le caractère vibrant et unique de chaque victime, évoquant à travers la diversité des calligraphies, la diversités des individualités.

Les gestes d’écritures apparaissent puis disparaissent sur le mur progressivement, lentement au rythme de la plume, traces éphémères d’individualités passagères.
Le film est projeté directement sur un mur enduit et sculpté. Jouant avec l’accroche et la rugosité, la matière solide et froide de la paroi rencontre les images projetées, capte l’éphémère, le mouvement.

Ce contraste entre la nature aérienne, spirituelle du film, et la force minérale, concrète du mur­ écran traduit le caractère fragile et fugace de la Mémoire en proie à l’abrasion du temps.