Site : Place Degeyter, Lille

Date : 11 avril 2009

Commanditaire : LaSécu (galerie d’art) et Réseau Asso Métro

Action : Installation éphémère sur une place publique

La cuisine, c’est l’endroit de la maison où tout peut arriver, le lieu où l’on se rencontre en rentrant le soir, le lieu des discussions les plus enflammées, l’endroit où l’on se dispute la dernière part de gateau et la manière de couper les oignons, le petit coin de table pour faire ses devoirs et l’atelier de pâte à modeler…
La cuisine est le centre névralgique de l’espace privé.
Transposer cet espace sur la place publique, c’est interroger les limites… ou l’épaisseur de ces limites.
entre chez moi et chez toi,
entre chez moi et la rue,
entre l’aménagement d’un espace et la vie qui s’y déroule,
entre ce que l’on nous autorise à imaginer sur l’espace public et le potentiel de vie qu’il constitue, entre ce que l’on aperçoit quand on passe et ce qui peut arriver lorsqu’on s’arrête…

La cuisine publique fut ce samedi l’occasion de rencontres multiples, Lucien y a goûté un pâté de lentilles et joué aux petites voitures, quand d’autres accrochaient leur dessins sur le frigo, préparaient le thé à la menthe, écrasaient les pois-chiches, discutaient la recette du couscous, la température du four pour faire les meilleurs cookies… ou passaient, mais plus lentement, regardant cette grande tablée avec un œil interrogateur.
Et si l’espace public n’était pas seulement le lieu du déplacement… ?

Vision extérieure mais participante sur la cuisine publique des Saprophytes par Solène Boyron, comédienne

Manifestation qui a lieu sous-couvert de débat sur l’espace public.
Les Saprophytes sont architectes ou paysagistes et questionnent l’espace public – l’investissent – cherchent à le transformer.
Disent-ils. Eux. Les autres aussi.
Ce n’est pas mon sentiment après Fives.
Les Saprophytes sont des hommes ou des femmes et questionnent la ville, les rapports humains détériorés, la vie en mode accéléré qui ne donne le temps de rien et à personne.
Où sont les gens qu’on ne rencontre pas ?
Dans le métro, au boulot, chez eux. Entre les trois il y a la rue où ils passeront la tête baissée, le pas pressé.
C’est à ce moment, dans la jungle urbaine, que les sapros guettent leurs proies. Leur toile à humains se tend et cherche à collecter des instants d’humanité.
La proie est consentante bien sûr. C’est le temps surtout qui sera capturé.
Se donner le temps, prendre le temps, en prendre précieusement soin.
Accueillir l’autre, lui parler. Le jeune, le vieux, le couple, l’enfant, l’étranger, la famille en entier…
Dans leur cuisine. Celle des sapros, celle des passants.
Samedi à Fives sous le soleil, on boit des cafés, boit du thé, mange des pâtés de lentilles, mange l’instant.
L’espace public, vide, impersonnel et hostile ne fait s’arrêter personne.
La cuisine, espace privé, intime, rempli de casseroles, d’odeurs, de saveurs et de parole, a capturé dans ses mailles humaines ceux qui acceptent encore de se laisser surprendre.
Il n’était pas question d’espace public samedi à Fives. Il était question d’espace-temps et de rencontres, simplement, dans une cuisine publique.

Ravie de m’être laissée capturer, je souhaite une belle et longue route aux sapros, et merci beaucoup pour cette journée..

Solène.