Bonjour à tous et toutes,
Cette brève n’est pas porteuse de bonnes nouvelles.
Nous nous efforçons de rester animé·e·s par la force de l’optimisme et de la création, car elle nous tient debout, mais parfois, cette injonction à la joie est dure à tenir, et nous souhaitions vous partager aussi ces états d’âmes.
En cet instant, nous avons envie de nous arrêter, quelque peu accablé·e·s par le gâchis.
Déboussolé·e·s par cette tâche qui nous attend de « déménager » le Jardin Ressource.
Nous souhaitons nous arrêter aussi pour mesurer le chemin parcouru et l’ampleur des externalités positives qui gravitent autour de l’expérience vécue du Jardin Ressource. Prendre le temps de se souvenir de tous les moments, les hauts et les bas, se souvenir qui nous étions au début de cette aventure, et comment nous avons grandi !
Ce jardin c’est 8 ans d’aventure collective, d’utopie urbaine, d’expérimentation joyeuse autour du vivant, de découverte des arbres, d’apprentissage autour de la permaculture et des biens communs que sont les jardins partagés.
Ce sont 8 années d’implication dans un quartier, Fives, de rencontres touchantes. Ce sont des dizaines et dizaines de personnes qui sont venues, sont restées, sont reparties pour jardiner ailleurs, confortées par leur expérience, qui ont partagé leurs savoirs et leurs désirs…
Il y a 8 ans, ce n’était qu’une grande pelouse, arborée, au sol compacté, et occupée par des algécos précaires eux-même accueillant des enfants, des crèches. Pas de projets spécifiques ici-même, mais dans le contexte d’un quartier en forte mutation, nous savions que l’avenir etait incertain.
8 ans plus tard, les algécos n’ont pas bougé, mais un jardin a fleuri, abritant plus de 150 plantes différentes, une quarantaine d’arbres plantés, un jardin-forêt, un potager géré par les riverain·e·s, un espaces d’ateliers, de formation, des composteurs de quartier, un lieu de vie, de promenade et de cueillette libre, dans un quartier fortement minéral.
Il y a 8 ans, c’était tâtonnant et incertain. C’était timide et en recherche.
Aujourd’hui, nous faisons face à ces jardinier·e·s qui témoignent de leur tristesse de voir cette aventure se terminer. Tristesse et désarroi car le besoin de rester connecté·e·s à la terre est bien là, au-delà de ce simple et modeste jardin.
Aujourd’hui, pour toutes et tous, la question qui brûle les lèvres c’est : mais où vais-je aller jardiner maintenant ? Où vais-je continuer à faire pousser des légumes, et à planter des arbres ?
Cette question est vitale, et politique. Elle mérite une réponse.
Mais ce qui est le plus violent et inacceptable dans cette histoire, c’est la manière dont tout ça s’arrête.
Nous ne dirons pas que c’est brusque et inattendu, nous savions qu’il y aurait une fin. Ce sont les limites de la plupart de ces conventions précaires qui lient les initiatives citoyennes militantes aux institutions. C’est la précarité associative que nous connaissons bien, que nous déplorons souvent.
Mais pour autant, cette expérience ne mérite-elle pas qu’on s’y arrête et qu’on en fasse un bilan collectivement. Ne mérite-elle pas qu’on réfléchisse ensemble (ville-associations-habitant·e·s) à une transition respectueuse, analyser ce qui peut rester, doit partir, et comment nous prenons soin collectivement de ce qui est là, végétaux et dynamique sociale, qu’on le veuille ou non.
La Ville projette sur ces espaces la construction d’une école-parc, l’agrandissement de l’école élémentaire Lakanal jouxtant le site, et prône une cour d’école végétalisée et ouverte aux habitants le week-end : Wahou ! Super une grande école. Avec une cour-jardin. Parfait.
Ce n’est pas sans se rappeler les ateliers, chantiers ou visite du jardin que nous avons déjà animé avec les crèches et l’École Lakanal.
Fort·e·s de notre casquette d’architecte et paysagiste, œuvrant autour de la mise en place de processus participatifs, accompagnant des projets collectifs dans de nombreux territoires, nous ne pouvions que nous réjouir d’une telle gestion transitoire! Quel magnifique exemple d’un projet collaboratif et co-construit, où les expériences de terrain et le travail associatif peuvent nourrir les politiques publiques, dans un objectif de bien commun !
C’est ça l’histoire dont nous avons rêvé. Celle qui respecte les lieux, les arbres, l’histoire, les jardinier·e·s, les associations, le vivant sous toutes ses formes.
Imaginons 5 minutes : on prend le temps du passage de relai, on travaille avec les jardinier·e·s de la ville sur la gestion des écosystèmes mis en place, on continue d’organiser quelques événements autour des récoltes, des plantations, on forme l’équipe enseignante, les parents, la ville prend le relai sur les composteurs, on co-construit un programme pour la future école-parc, on laisse la place petit à petit aux nouveaux gestionnaires et usager·e·s. On écrit un plan de gestion partagé. On fait école, dans une démarche d’apprentissage réciproque, on défriche ensemble.
On co-construit la ville, de manière intelligente, horizontale, en s’appuyant sur les forces et compétences de chacun·e.
On fabrique du bien commun.
On démontre comment la gestion transitoire, ces temps morts entre deux états peuvent être source de projets, des temps inspirants, préfiguratifs, tests.
La ville se construit, au fil de processus lents, tâtonnants, itératifs, dans la confiance réciproque.
Non, ce ne sont donc pas les bonnes nouvelles que nous vous apportons. Tout ça ne sera pas.
Le jardin Ressource s’en va, parce que c’est un ordre.
Parce qu’il n’y a pas d’espaces de débats et de co-constructions.
Parce qu’ici, dans ce bout de quartier, la fabrication de la ville appartient aux élu·e·s, et qu’il n’y a pas de place pour la coopération.
Après presque 3 ans de tentatives échouées de rencontres avec les élu·e·s, nous décidons d’aller mettre notre énergie ailleurs.
Nous regardons avec tristesse et un sentiment de gâchis ce que ça aurait pu être.
Nous restons indifférent·e·s face à ce mépris ridicule.
Nous remercions les techniciens du service nature en ville d’avoir été les portes paroles des volontés Politique, malgré l’absurdité des choix.
Mais surtout, nous regardons avec une émotion énorme tout le parcours du Jardin Ressource et les rencontres incroyables que ça a permis. Les graines ont été semées, le jardin essaimera, et n’attendra pas d’autorisation .
Nous regardons avec reconnaissance et optimisme nos expériences réussies, présentes, passées et futures, sur d’autres territoires, nous rappelant que c’est possible.
Nous remercions infiniment les jardinier·e·s investi·e·s, ceux qui ne lâchent rien, nous ensemble qui ne lâcherons rien.
Plus pragmatiquement :
La semaine du 5 décembre, du lundi au vendredi, nous serons sur place pour démonter, récupérer, déplacer, repiquer, et commencer à dire au revoir au jardin.
Nous avons besoin d’aide !! : Des bricoleur·se·s, des jardinier·e·s, des camions, des bonnes ondes, de la musique, du chocolat, des prises d’ images, des brouettes, bref, il y a plein de manières de venir nous soutenir !
N’hésitez pas à vous manifester pour que ce triste départ soit un nouveau départ plein d’entrain !
Par ailleurs, nous cherchons un terrain pour continuer à planter des arbres et à partager notre amour du vivant et du jardin-forêt. Nous rêvons de pépinières, de haies fruitières, de champignons, de fêtes et de cuisine !
Dans le court terme, un terrain pour accueillir une serre, une toilette sèche, des jeunes arbres, des fruitiers palissés…dans du plus long terme, un lieu à prendre soin, car c’est ça qui fait du bien à l’âme. Prendre soin.
Prendre soin du sol, des plantes, des animaux et des humains !
A bientôt pour de nouvelles aventures,
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